Quatre albums en quatre ans, c’est la vie que Lefa, Karim Fall de son vrai nom, a décidé de mener. Depuis son retour en 2015, l’ancien de la Sexion d’assaut ne cesse de creuser son sillon dans la terre convoitée du rap français, et la sortie de son nouvel opus FAME ce 18 octobre en est symptomatique.
Cela fait des mois que l’artiste varie les plaisirs pour nous teaser son projet: un EP subtilement titré Next album est dans mon phone par-ci, trois singles clippés par-là… Un avant-goût que le public semble avoir apprécié puisque « Bitch », son feat avec Vald sorti en juillet, a été certifié single d’or avant même la diffusion de l’album.
Pour son clip, comme pour ceux de « Fame » et « Mauvais », Lefa se laisse aller à une réalisation très cinématographique. Il propose un univers visuel soigné, froid, où la drogue et le meurtre sont traités à la manière d’un thriller américain (ne manque que Ryan Gosling et son blouson scorpion). C’est alors minutieusement préparés que les auditeurs ont pu pénétrer dans la bulle sonore de FAME.
Parmi des sons qui s’inscrivent dans la continuité de ses projets précédents, où l’on retrouve un Lefa qui maîtrise aussi bien ses kicks que ses parties chantées, se glissent des feats assez hétérogènes qui rendent le tout riche et varié. Il y en a pour tous les goûts: on passe de Vald, autre artiste phare de ce début d’automne, à Caballero et JeanJass, en passant par Dosseh, Tayc, Megaski, et un solo original signé Abou Tall.
« Papa m’a toujours dit pas de gaspillage / Compte pas sur moi pour jeter des liasses, biatch. » (« Pause »)
Cet album est l’occasion pour le rappeur parisien d’assumer toujours plus son décalage avec certains codes du rap actuel ; un côté « extraterrestre » mis en scène dans le clip de « Mauvais », dans lequel il incarne un robot à visage humain.
Il se présente sans ostentation ni collection de femmes autour de lui, la seule bitch de son album est finalement l’Homme : jaloux, vénal et égoïste. Peu à l’aise avec la couverture médiatique, Lefa fait figure d’opposition aux artistes qui font « tout ça pour la fame » (« Fame »). L’homme qui a connu la galère préfère rester fixé sur ses objectifs: il vient faire son beurre et le martèle dès le premier morceau. C’est aussi parfois Karim Fall qui prend le dessus sur l’artiste et laisse apparaître ses faiblesses, entre mal-être et cœur brisé dans « Maniaque » ou « T’y arrivais pas ».
« Je vais pas m’arrêter tous les cent mètres / La route est longue comme une peine sans mandat, sans lettre » (« Nouveau maillot »)
Ce quatrième opus sorti en indépendant (comme le précédent, il n’est plus rattaché au label Wati B) a déjà été reçu avec beaucoup d’enthousiasme. Futur disque d’or comme Monsieur Fall en 2016? C’est loin d’être impossible, et quoi qu’il arrive, Lefa ne semble pas disposer à s’interrompre en si bon chemin.