Pour ce premier épisode de notre toute nouvelle série sur le rap italien, comment ne pas commencer par évoquer celui qu’on surnomme le « Trap King » de l’autre côté des Alpes. Sfera Ebbasta, de son vrai nom Gionata Boschetti est né en Lombardie, près de Milan, en 1992. A 27 ans, il s’est imposé depuis quelques années comme l’un des leaders d’une scène rap italienne en pleine expansion.
En France, le rappeur s’est fait un nom chez les connaisseurs avec diverses collaborations avec des artistes français. Présent sur le premier album de SCH, « Anarchie », avec le titre « Cartine Cartier », il rend la pareille au Marseillais en l’invitant sur le titre « Balenciaga » en 2016 ainsi que sur son dernier album avec XNX. Lacrim est aussi un des invités de ce dernier projet, « Rockstar », sorti par l’Italien fin 2018.
La carrière de Sfera Ebbasta commence réellement en 2011, avec des titres postés sur Youtube. Il rencontre ensuite le producteur Charlie Charles, qui va devenir un ami et avec qui il va monter le label BHMG, « Billion Headz Money Gang ». « Avec Charlie, c’est différent – comme si nous étions la même personne. C’est mon frère d’une autre mère. », expliquait-il dans une interview à Modzic en mars 2018. Ils vont par la suite décliner BHMG en une marque de vêtements. Une première mixtape, Emergenza Mixtape Vol. 1 est dévoilée en 2013. Les deux compères enchaînent ensuite avec de nombreux titres et clips sur Youtube. En Janvier 2015, ceux-ci sont regroupés dans le projet XDVR. Cet album contribue à promouvoir la trap en Italie, Charlie Charles étant une des figures de ce style chez les transalpins.
Et c’est en 2016 que l’artiste va exploser à l’échelle nationale avec la sortie de son premier album Sfera Ebbasta, co-produit par le label Def Jam, qui se classe premier du top italien à sa sortie. Des morceaux marquants se trouvent dans l’album, à l’image de « BRBNQ » ou « Figli di papà », qui restent encore aujourd’hui parmi les plus gros succès du rappeur. De nombreux clips continuent en permanence à développer l’image et l’influence du rappeur.
Avec son nouvel album Rockstar (International Version), sorti en janvier 2018, l’Italien vise à asseoir sa réussite nationale et à s’exporter à l’étranger. Le projet contient en effet de nombreux featuring avec des artistes à la renommée internationale : les stars américaines Quavo et Rich The Kid, l’Anglais Tinie Tempah mais aussi l’Allemand Miami Yacine, le porto-ricain Lary Over et le jeune italien DrefGold.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Rockstar est un succès. Plus que ça même, les 11 titres de l’album se placent aux 11 premières positions du top italien, tous styles confondus. C’est un « game over », et c’est une première dans l’histoire de la musique en Italie. L’album est certifié double disque de platine en deux semaines ( 120 000 équivalents ventes en Italie ), et toutes les dates de sa tournée sont complètes. Sfera Ebbasta mène donc bien la vie de rockstar qu’il décrit dans son album, et dans le mini-documentaire « Vita da Rockstar », sorti en même temps que son album et disponible sur Youtube. Pour compléter ce riche projet, le rappeur dévoile le 8 décembre 2018 une réédition de son album intitulée Rockstar (Popstar Edition). Elle contient 8 nouveaux titres, dont les collaborations avec Lacrim et SCH.
En décembre 2018, alors qu’il donnait un concert dans une boîte de nuit à Corinaldo pour la sortie de cette réédition, l’ampleur du succès de l’artiste a malheureusement eu un effet macabre. Un mouvement de foule provoqué par l’usage d’un gaz lacrymogène a causé la mort de six personnes et une dizaine de blessés. Un tragique événement qui a profondément marqué le rappeur. « J’ai du mal à trouver les mots pour exprimer la peine et la douleur que cause cette tragédie. […] La musique doit permettre aux gens de s’unir et nous espérons que cela devienne la réalité ».
Dans ses paroles, l’Italien s’attache à décrire la vie quotidienne à Cinisello Balsamo, ou « Ciny », banlieue du nord-est de Milan, en particulier à ses débuts. Des titres comme « Ciny » ou « Tran Tran » reviennent sur le quotidien du quartier, souvent avec des mots crus sur des instrumentales trap percutantes. Plusieurs des clips de l’artiste sont d’ailleurs tournés directement dans ce quartier. Et malgré une nouvelle popularité qui a fait de lui un « rockstar » dans son pays natal, il garde le même « train-train » (« Tran Tran ») quotidien.
« La C con la mano è da dove veniamo. Ciny, Ciny »
« Le C avec la main c’est là d’où nous venons, Ciny Ciny »
Sfera Ebbasta, c’est aussi un style, un look, un visuel. Cheveux colorés en rose, tatouages ‑y compris sur le visage‑, lunettes de soleil presque en permanence, et des vêtements toujours colorés et excentriques. « Je suis issu de la classe populaire italienne. De ce fait, il était hors de question pour moi d’acheter des vêtements de marque, ou des pièces de haute-couture. J’ai cependant toujours fait en sorte d’être bien habillé, tout en ne shoppant que dans les enseignes de fast-fashion. Maintenant que j’ai tout ce qu’il me faut pour acheter ce qui me plaît, je peux développer mon style » expliquait-il à Modzic en 2018. Un style que le rappeur a aussi développé sur les covers de ses projets, et dans les clips des titres de son dernier album, stylisés façon cartoon coloré en « visual », et animés par Dan et Dav.
Le dernier projet en date de Sfera Ebbasta est donc la réédition de Rockstar, fin 2018. En 2019, il a posté le titre « Mademoiselle » et a participé à de nombreux titres et projets, comme « Soldi di Nero » de Shiva, ou sur l’album de Marracash, rappeur italien emblématique, avec le superbe « SUPREME - L’ego ». Et la star ne devrait pas laisser ses fans attendre encore beaucoup avant la sortie d’un nouveau projet.