Happy 10th Birthday ! À l’occasion du dixième anniversaire de l’album The Greatest Story Never Told de Saigon, InDaKlub vous embarque pour un court voyage temporel afin de (re-)découvrir ce projet phénoménal et son contexte si particulier. Posez-vous, tranquillement, préparez votre tisane, et laissez-nous vous raconte toute l’histoire derrière The Greatest Story Never Told.
Un rookie du nom de Saigon
Pour ceux qui ne connaissent pas Saigon, voici une courte biographie, de quoi vous acclimater. Brian Daniel Carenard alias Saigon est un rappeur et acteur américain élevé à Spring Valley, dans l’État de New-York. Il fait donc partie des rappeurs de la East Coast aux côtés de nombreux noms bien connus : le Wu Tang Clan, Nas, The Notorious B.I.G, Jay‑Z ou encore 50 Cent.
À la fin des années 1990, Saigon purge une peine pour agression au premier degré avec arme à feu, après avoir tiré sur quelqu’un dans un bar. C’est en prison, au Napanoch’s Eastern Correctional Facility, qu’il rencontre Hakim. Ce dernier, également incarcéré, passe son temps à faire des rap-battles. Saigon se prête au jeu et y voit une lumière. En effet, il raconte plus tard que ce rapprochement avec le hip-hop l’a aidé à trouver son chemin vers la rédemption.
Au tout début du millénaire, en l’an 2000, Saigon est libéré de prison, puis se met sans plus tarder à enregistrer des mixtapes. Le pseudonyme Saigon lui vient après avoir lu l’ouvrage de Wallace Terry sur la guerre du Vietnam : « Saigon » ou « Sài Gòn » étant l’ancien nom donné à Ho Chi Minh City. Les objectifs de Saigon étaient clairs : se faire repérer grâce à ses mixtapes pour être pris sous contrat et travailler sur son premier album dont il avait déjà le titre, The Greatest Story Never Told (la plus grande histoire jamais racontée.)
On a l’impression que tout se passe comme prévu : le label iconique Atlantic Records, qui appartient à Warner Music Group, signe Saigon en 2004. Le label a connu des artistes et groupes de tous styles, dont les plus connus sont Aretha Franklin, Ray Charles ou encore Led Zeppelin. Saigon est prêt à se lâcher, mais qui pouvait prédire que le titre de son premier album The Greatest Story Never Told, allait être aussi proche de sa réalité?
Mieux vaut tard que jamais
Faisons un petit saut en avant dans le temps, jusqu’en 2007. L’année qui précède, Saigon publie son tout premier single sous Antlantic Records : « Pain in My Life » produit par DJ Cocoa Chanelle. Un début prometteur et surtout, de grandes attentes pour The Greatest Story Never Told. Mais, malheureusement pour Saigon, la chance qu’il croit avoir entre ses mains va se métamorphoser en un obstacle considérable : son label Atlantic Records.
En effet, à plusieurs reprises, le label a repoussé et n’a pas clairement fixé une date de sortie pour The Greatest Story Never Told. Et moins de deux mois après avoir signé, Saigon remarque qu’il y a des problèmes au sein de la maison de disques. Un an après, il se procure déjà un avocat pour travailler sur la séparation avec Atlantic :
« Ils m’ont signé en sachant le genre de musique que je faisais. Mais après, ils essaient de changer de direction »
- Saigon à propos de Atlantic Records
Les mois et les années passent, et The Greatest Story Never Told n’a toujours pas vu le jour. Même si Saigon engage un avocat, les affaires traînent et le contrat lie toujours l’artiste à Atlantic Records. D’après le rappeur de Brooklyn, il recevait tout de même des revenus qui ont fait croire à lui et à ses fans, qu’Atlantic Records sortira finalement le projet. En réalité, son label voulait probablement juste l’empêcher d’aller chez les concurrents et sortir le projet chez eux.
Vous vous en doutez, Saigon doit avoir la rage, lui qui travaille depuis des années sur ce disque. Mais il ne s’est pas pourtant facilité les choses : en 2007, il exprime son désarroi sous forme de blog sur son compte MySpace. Dans ce post intitulé « Saigon vs Atlantic Records : Round 1 », le rappeur dit avoir l’impression qu’Atlantic Records ne veut pas sortir son album parce que c’est un vrai artiste, et que le label ne se soucie que de l’argent et non de la musique. Le rappeur ajoute ensuite qu’il allait le publier indépendamment, peut importe ce que décidait Atlantic.
Dans la même année, des rumeurs circulent comme quoi Saigon mettrait fin à sa carrière. Même si le titre de son album, The Greatest Story Never Told, aurait été plus que parfait, le rappeur est bien trop déterminé à se battre et à sortir ce projet. En tout cas, tous ces ennuis avec Atlantic Records n’ont pas empêché Saigon de continuer à faire de la musique. Il continue les freestyles à la radio, sort régulièrement des mixtapes, et poursuit également sa carrière d’acteur dans la série HBO « Entourage ».
Le temps passe, puis nous arrivons dans une nouvelle décennie. La fin de l’année 2010 s’écrit et une once d’espoir se présente à l’horizon : Suburban Noize. Le label prêt à intervenir en tant que distributeur, se présente en véritable sauveur. Ce qu’Atlantic Records n’a pas réussi à accomplir durant toutes ces années, est réalisé par Suburban Noize. En moins de quatre mois, les fans avaient l’album dans les mains.
Une question se pose cependant : cela valait-il le coup d’attendre ?
The Greatest Story finally told
L’interrogation est tout sauf anodine puisque la hype, à l’époque, est immense. Finalement, l’album paraît début 2011 sans grande publicité, donc il s’agit de savoir si The Greatest Story Never Told fait le poids face aux attentes.
La réponse est oui. Les fans de Saigon ont droit à un total de dix-huit titres ! Le rappeur a continuellement travaillé sur cet album au fil de toutes ces années. C’est pourquoi on retrouve sur le disque des morceaux enregistrés en 2005, mais également certains ajoutés par la suite jusqu’en 2010. Soixante-dix-neuf minutes de hip-hop pur non-stop avec des transitions entre chaque morceau parfaites. Vous ne remarquez même pas que vous êtes passé au titre suivant.
Le disque est principalement produit par l’excellentissime Just Blaze. Le producteur et DJ est également connu pour ses nombreuses productions pour plusieurs albums de Jay‑Z, le morceau « No Love » ft. Lil Wayne d’Eminem ou encore « Freedom » de Beyoncé en featuring avec Kendrick Lamar. Kanye West figure lui aussi sur The Greatest Story Never Told, en livrant la production pour « It’s Alright » ft. Marsha Ambrosius.
De nombreux artistes ont été invités sur l’album. Parmi eux, on peut citer Swizz Beatz, Faith Evans ou encore Bun B. Les incontournables de l’album sont sans hésiter le remix de « Come on Baby » ft. Jay‑Z & Swizz Beatz, « Enemies » ainsi que « Bring Me Down (part 2) », qui procurent de véritables orgasmes auditifs chez les adeptes du hip-hop de la East Coast. En bonus, chez InDaKlub, on rajoute « What the Lovers Do » et « It’s Alright » dans le top, pour une touche plus mélodique et des nuances de R’n’B.
Quand on se penche sur les retours qu’a eu Saigon sur cet album, le sentiment d’InDaKlub est confirmé. C’est notamment Nathan Rabin du The A.V. Club qui arrive à employer les bons mots en résumant le fond et la forme de The Greatest Story Never Told :
« Told semble parfois être une trop bonne chose ; en 18 titres intenses, c’est accablant au meilleur sens du terme.
L’expérience de Saigon en tant qu’ex-détenu confère une spécificité et une orientation à sa critique sociale : c’est un survivant éprouvé de son combat qui dénonce les injustices et l’hypocrisie d’un monde rempli de prisons et de pièges, réels et métaphoriques.
Told vaut l’attente. »
- « Review: The Greatest Story Never Told », The A.V. Club, Rabin, 11.03.2011
Les sources et barèmes sur les différents sites web évaluant les avis sur The Greatest Story Never Told diffèrent. Néanmoins, que l’album reçoive un score de 89 sur 100, un 9 sur 10, la note A ou encore 4,5 étoiles sur 5, les critiques se ressemblent dans l’ensemble. En clair, en moyenne, l’album reçoit un avis très favorable.
Épisode Un de la trilogie G.S.N.T
Chez InDaKlub, vous avez remarqué, on aime bien parler chiffres. La semaine de la sortie de The Greatest Story Never Told, Saigon vend plus de onze mille exemplaires. Il se place ainsi en 63è position du Billboard 200. Même si les critiques complimentent les paroles sensées, les prods ainsi que la cohésion globale de l’album, vous pouvez voir que cela ne se reflète pas pour autant dans les statistiques.
Début mars 2011, soit trois semaines après la sortie du projet, 19 000 albums avaient été vendus dans l’ensemble des cinquante États d’Amérique. Un certain succès, mais Saigon ne fait clairement pas le poids face à un 50 Cent ou à un Jay‑Z. A titre de comparaison, le premier opus de 50 Cent, Get Rich or Die Tryin » (deviens riche ou meurs en essayant) sorti en 2003, s’était vendu à plus de 872 000 exemplaires dès la première semaine.
Au final, les chiffres ne sont pas si importants dans ce contexte. Saigon a enfin pu raconter son histoire qui a faillit ne jamais voir le jour. Et c’est beau. Tellement beau que The Greatest Story Never Told connaît même une suite. The G.S.N.T. Chapter 2 : Bread and Circuses sort en 2012, suivi de G.S.N.T. 3 : The Troubled Times of Brian Carenard en 2014.
Mais vous vous en doutez, ils n’ont pas eu le même succès que le premier. Comme pour les films, souvent, le premier reste le meilleur. Si on revient maintenant aux temps plus récents, musicalement, Saigon s’est engagé avec Strange Music en 2020. Son dernier projet date ainsi de fin août et l’EP, 777 : The Resurrection.
À l’âge de quarante-trois ans, la période de gloire de Saigon aest derrière lui. Mais l’histoire derrière son premier album reste dans les mémoires. Si The Greatest Story Never Told sortait comme prévu en 2007, sa carrière aurait probablement eu une autre tournure… Who knows?