Il était attendu, le voilà. Black Rose, le premier album de Madd, est sorti vendredi 29 mai 2020. Et s’il était tant attendu, c’est parce que le Marocain de 24 ans s’est imposé en seulement deux ans comme l’une des têtes d’affiche du rap marocain, dans une scène en pleine expansion.
Medhi Ribati est né en 1995 à Casablanca, le plus gros vivier d’artistes de la scène rap d’Afrique du Nord. Très tôt, il se lance dans la musique, mais la percée arrive véritablement à partir de 2017, à la sortie de son titre « 3310 ». 7 millions de vues sur le clip. Un carton pour celui qui a commencé le rap « pour impressionner » son frère Shobee, lui aussi rappeur et moitié du groupe ShayFeen avec Small X.
Et c’est aux côtés des compères de ShayFeen, mais aussi via des collaborations avec des poids lourds du rap marocain comme ElGrandeToto, West, 7liwa ou Tagne que Madd confirme son statut d’étoile montante. Il s’impose que un des symboles d’une génération de rappeurs maghrébins, et en particulier marocains, qui s’émancipent et voient désormais leur avenir au-delà de leurs frontières. Madd multiplie en effet les featurings avec de nombreux artistes étrangers, en particulier français. On le retrouve sur l’album Roze de Tortoz, sur le banger « Risk it » sur Summer Crack 4 de Dosseh et plusieurs fois avec Laylow, sur .Raw‑Z dans l’excellent « Visa » et sur « Money Call », un des hits du projet de Naar, dont on vous parlait en octobre dernier.
« On est en train de construire la passerelle entre le Maroc et la France », expliquait Shobee dans une interview à Konbini en 2018. Une passerelle que contribue donc à ériger son petit frère. Sur Black Rose, Madd a de nouveau collaboré avec Laylow, qu’il connaît bien et dont le dernier album a été largement salué par la critique. On retrouve aussi le jeune Youv Dee, qui sort lui aussi cette semaine un EP, Haine World. Enfin, il renvoie l’appareil à Lacrim sur « Ghost », après avoir collaboré sur la mixtape RIPRO 3.
L’objectif est affiché : internationaliser le rap marocain. La barrière que constitue la langue n’est plus aussi infranchissable qu’auparavant, en témoigne dans un autre style l’émergence de la scène italienne par exemple. Et cela passe donc par la France, désormais la deuxième terre mondiale de rap. Il n’est donc pas nécessaire de parler l’arabe pour comprendre que Black Rose est un article complet et réussi.
On ressent une certaine mélancolie au cours des quatorze morceaux du projet, symbolisée par des titres comme « Sacrifice », « Save Me » ou « Other Side ». Mais celle-ci est contrebalancée par une énergie débordante et continue. La voix de Madd se mêle parfaitement aux différentes prods, et le mix est soigné. On retrouve sur les instrumentales des mélodies d’inspiration orientales, avec des rythmes toujours assez rapides, et dans une modernité certaine. L’autotune et les gimmicks sont utilisés avec parcimonie et avec minutie, et permettent de renforcer ce dynamisme, en particulier sur des morceaux comme « Nevada », « Do better » ou « Ghost » avec Lacrim.
L’arabe se mêle de temps en temps avec des phases en anglais, toujours de façon fluide. Les featurings évoqués précédemment sont bien choisis, apportent une vraie couleur à l’album et on retrouve une alchimie entre les artistes, y compris sur « DBMH », dernier titre de l’opus, en collaboration avec le talentueux Marocain Xcep. Ce qu’il ressort de ce mélange est un résultat à la fois détendu et énergique, parfait pour instaurer une ambiance sympathique lors de l’été qui commence. Un projet de plus qui annonce un futur radieux au rap marocain sur la scène internationale.