Qui n’aurait fait qu’écouter les Puppetmastaz serait surpris de voir que le groupe de rap le plus subversif de la scène hip-hop allemande est composé entièrement de marionnettes. Entre univers du théâtre et celui des clubs, retour sur les dix ans de carrière de ce collectif déjanté.
Prenez le Muppet Show, mélanger-le avec du hip-hop, saupoudrez le tout d’un peu de langue de Goethe et de folie et vous obtiendrez les Puppetmastaz. L’un est une taupe portant un haut-de-forme usé par le temps, l’autre un lapin myope avec des lunettes vertes d’aviateur. À leurs côtés, une grenouille verte aux allures d’un Kermit sous drogue et de nombreux autres animaux aussi effrayants que loufoques forment le premier et seul groupe de rap de marionnette au monde, les Puppetmastaz.
Genèse du collectif
L’histoire du groupe est tout aussi saugrenue que les marionnettes qui le composent. Selon la légende, tout commence dans les années 1990 lorsque Paul Affeld aka M. Maloke — la taupe au haut-de-forme — quitte Crooklyn pour s’installer à Berlin où il annonce la création d’un « Congrès des marionnettes ». Très vite, d’autres créatures avec diverses influences musicales se joignent au projet. Les plus motivées forment un crew hip-hop allemand, qui reprend les stéréotypes du gangsta rap (gimmicks, gestuelles, look, démarche) pour mieux s’en amuser. Leur but : pouvoir être enfin entendu par les humains.
Pour le nom du groupe, les marionnettes subversives questionnent les conventions, l’ordre et l’autorité : « Qui est la marionnette et qui est le maître ? », soit en anglais : « Who’s the puppet and who’s the master ? ». C’est ainsi que les Puppetmastaz prennent vie.
Une fois constitués, les Puppetmastaz font leurs premiers pas dans les clubs underground de Berlin en 1999. Un vrai album, Creature Funk, voit même le jour en 2003. Un projet à la croisée des genres, entre pop, électro, rock, reggae et bien évidemment rap, l’essence même du collectif berlinois.
Au fil de leur existence, les Puppetmastaz fascinent par leur facilité à s’intégrer dans chaque style et chaque époque, en témoignent leurs nombreuses collaborations avec des artistes éclectiques — humains cette fois — tels que Le Peuple de l’Herbe sur le titre « El Paso », T.Raumschmiere sur « Animal Territory » ou encore Hippocampe Fou sur le morceau « Cheeba Garden ». Un mélange de styles qui donnera au groupe, tout au long de sa carrière, une identité aussi riche et variée que ses marionnettes.
Qui se cache donc derrière ces drôles de pantins ?
Les Puppetmastaz intriguent de par le mystère qui plane autour de l’identité de ses interprètes. Dissimulées derrière ces marionnettes, une vingtaine de personnalités issues d’univers musicaux très variés partage leur amour de la musique. AD Hawk, Chilly Gonzales, Mocky, Dave Szigeti, David Skiba, N1tro, Patric Cremer, Blake Worrell… Ensemble, ils imposent leur « Puppetstyle » atypique au reste de la scène musicale allemande.
Les créatures renaissent de leurs cendres
Après de multiples morceaux à succès comme « Puppetmad » ou « Petsound », le collectif annonce sa séparation avec l’album The Break Up, sorti en 2009. Malgré cette pause le groupe se reforme en 2012 et dévoile un nouveau projet, Revolve and Step Up, sur lequel on retrouve leur hip-hop mâtiné d’électro, leur énergie dévastatrice et leur groove bestial. Plus récemment, en 2019, les Puppetmastaz dévoilent leur septième et dernier album en date Sweet Sugar Rush. Un disque qui reprend tout ce qui a fait la célébrité de la bande, pour le plus grand plaisir de leurs fans, en y ajoutant de nouvelles sonorités issues en particulier de la trap.
Des performances live impressionnantes
Comment parler des Puppetmastaz sans mentionner leurs concerts en live ? Depuis 2003, les Puppetmastaz ont sillonné le monde avec des tournées en Allemagne, au Japon, en Espagne, en France, en Autriche, mais aussi lors de festivals comme Dour, les Solidays, Sonar, Lollapalooza, Garorock, Festineuch, Fusion,… Leurs shows uniques, savants mélanges entre marionnettes et hip-hop hardcore, offrent une expérience inoubliable et placent le groupe au rang d’icônes du rap allemand. Sur scène, ces créatures délurées poussent leur délire au maximum et provoquent un véritable ouragan partout où elles passent. Au total, les marionnettes auront donné plus de 1000 concerts devant plus de 4 millions de spectateurs.
Si l’âge d’or des Puppetmastaz semble être derrière elles, les marionnettes ont-elles pour autant définitivement tiré le rideau sur leur carrière ? Eh bien non ! Si le groupe se fait de plus en plus discret depuis la sortie du dernier projet en 2019, il a refait son apparition depuis le début de la crise sanitaire lors de concerts en ligne, et ses membres ont annoncé qu’un projet était en cours de confection.
En attendant, pour les fans impatients qui souhaitent se replonger dans l’ambiance du groupe, le Monsterkabinett, musée berlinois qui regroupent des marionnettes terrifiantes et articulées réalisées par Hannes Heiner, propose des visites guidées encadrées par l’un des membres des Puppetmastaz. Serez-vous capable de deviner lequel ?