Le 13 mai 1998, Kofi Annan, qui est alors secrétaire général de l’ONU, déclare que l’art est la forme la plus libre de communication. Le 20 avril de la même année, Suprême NTM sort un album éponyme qui ne confirme pas ces propos. Aujourd’hui, on va se pencher sur le titre : « On est encore là ».
Sois Jeune et Tais-toi
Quand on parle des années 90, c’est souvent pour évoquer de grands films, ou alors la victoire de la France en Coupe du monde de football. Mais on pense rarement à une culture qui se développe à grands pas : le hip-hop. Nourri de haine et de convictions, le groupe originaire de Seine-Saint-Denis va rapidement se démarquer.
Pour contextualiser, ces rappeurs grandissent avec une haine fondée envers la police et rejettent dès qu’ils le peuvent un système qui les a mâché puis recraché. La musique représente pour ces jeunes un important moyen d’expression, mais comme nous le fait comprendre Kool Shen dans la phase suivante :
» On nous censure parce que notre culture est trop basanée
Qu’on représentera pas assez la France du passé
C’est carré, on veut nous stopper
Ça allait tant qu’on rappait dans les MJC »
Leur musique n’est pas la bienvenue dans tous les ménages et Kool Shen souligne son propos en parlant de leur manque de programmation en radio.
Cette idée de radio vient faire apparaître un phénomène qui se développe vite, celui des radios pirates. Avec « La Voix Du Lézard » (aujourd’hui « Skyrock ») en 1983 et « Mouv » » en 1997, la trend des radios pirates fait un grand retour et permet de répandre la culture hip-hop dans tout l’hexagone. A noter qu’il ne s’agit pas de la première fois que des radios pirates font un tabac en France ; un exemple notable serait Mai 68.
Le passé et aujourd’hui
Un des éléments qui vient se rajouter au fil conducteur de la censure, c’est celui du passé. Joeystarr commence son couplet par les vers suivants :
» Personne n’a oublié, il fut un temps on nous aurait pendus
Comme des vendus, des bandits à la langue trop pendue »
Un référence à l’esclavage, thème très abordé à cette période et par un vaste panel d’artistes.
» Perchés sur une estrade, groupés comme du bétail
Jetés de droite à gauche tels des fétus de paille »
Un lien s’établit donc entre ce passé marqué par des inégalités qui ont persisté à travers les époques et leur situation actuelle. En passant par la musique et l’éducation.
» Putain c’est pas bon, enlevez-nous ce baillon »
» Les lois Debré, tu crois qu’c’est quoi, sinon une sale copie »
En somme, ce son a su passer les âges et marquer les esprits des puristes les plus extrêmes ainsi que les générations plus jeunes. Dans la série « Validé » de Franck Gastambide une scène y est même dédiée avec un caméo de Kool Shen [voir épisode 3].