Avec la sortie de son premier album studio So Much Fun le 16 août dernier, Young Thug a pour la première fois de sa carrière atteint la pôle position dans le prestigieux top Billboard 200, qui regroupe les 200 albums les plus vendus aux Etats-Unis. En atteignant 131 000 unités vendues dès la première semaine, Young Thug passe du statut d’ovni rapologique encensé des connaisseurs à celui de figure incontournable du rap outre-atlantique.
Young Thug, où plutôt Sex, comme il aime à se faire appeler, n’en est pas à son coup d’essai. Que ce soit dans Rich Gang : Tha Tour Pt.1, sa mixtape commune avec Birdman et Rich Homie Quan, ou sa légendaire trilogie Slime Season, il a depuis longtemps su se démarquer grâce à son timbre de voix si caractéristique. Véritable instrument de musique, sa voix de fumeur de gauloises en fin de vie a longtemps été un obstacle à son ascension dans la scène musicale. Il lui fallait la peaufiner, l’explorer dans ses moindres recoins afin de trouver la formule magique. Avec son album Beautiful Thugger Girls sorti en 2017, dont la production fut supervisée par Drake, le jeune Thugga Thugga a montré sa capacité à créer des hits chantés beaucoup plus adaptés au grand public. Si les sonorités country de Beautiful Thugger Girls ne lui ont cependant pas permis de rencontrer le même succès que Lil Nas X, elles lui ont appris à cultiver son côté pop et se sortir des carcans de la trap. Plus tard, sa participation dans le hit planétaire de Camilla Cabello Havana et plus récemment sa présence dans le titre Goodbyes de Post Malone sont venues confirmer cette nouvelle tendance chez le natif d’Atlanta.
So Much Fun est pourtant loin d’être un album « mainstream », dans le sens péjoratif du terme. Accompagné de son producteur de cœur Wheezy, il est rejoint par nombre de ses amis (21 Savage, Lil Uzi Vert, Future) au cours de l’album, mais aussi par ceux qu’il appelle ses « fils », en la personne de Lil Keed, Lil Baby et Gunna. Des « fils » qu’il a lui même découvert et signé sur son label YSL, et qui ne manquent pas de rendre fier leur paternel au cours du projet. Young Thug s’est donné la place pour inviter : avec 19 titres, il s’agit de son projet le plus long en date. Rien de surprenant pour un artiste qui a vu l’été dernier 30 de ses titres fuiter, dont un qui ne durait pas moins d’une demi-heure. Les thèmes abordés ici n’ont rien de révolutionnaire : Young Thug aime toujours autant les belles voitures, les vêtements, les jolies femmes, et surtout les opiacés. Il paraît en revanche conscient des railleries qu’il peut susciter, et n’hésite pas à en jouer, en faisant par exemple référence à la couverture d’un ancien projet où il apparaissait vêtu d’une robe : « Had to wear the dress » cause I had a stick » (« J’ai dû porter une robe parce que je tenais une arme ») plaisante-t-il dans Just How It Is, intro du projet.
S’il reste dans sa zone de confort, Young Thug semble pour la première fois maîtriser son art à la perfection. Aussi à l’aise avec des bangers venus des pires recoins d’Atlanta (I’m Scared en featuring avec 21 Savage et Doe Boy ou encore Pussy) qu’avec des sonorités plus légères (Surf en featuring avec Gunna ou What’s the Move ? avec Lil Uzi Vert), il n’oublie pas de prouver son extraordinaire capacité à multiplier les flows et les mélodies avec des titres comme Bad Bad Bad, où il est rejoint par Lil Baby. Arme secrète du rappeur Playboi Carti, le beatmaker Pi’erre Bourne vient quant à lui apporter sa touche unique à 4 des titres de l’album. Un peu plus d’un mois après la sortie de So Much Fun, le public comme la critique plébiscitent cet album, sorte de consécration d’un rappeur trop longtemps mal-aimé d’un public qui a enfin fini par comprendre son génie. Ça n’est pas sans rappeler la trajectoire d’un artiste marseillais, adepte des signes de main…