Médine a sorti son septième album, « Grand Médine », le 6 novembre dernier. Un projet qui, plus que jamais dans sa carrière, transpire la puissance qui émane du Havrais. On vous en parle à travers punchlines, textes poignants, ambition et volonté fédératrice.
Puissance lyricale
Médine a toujours été un rappeur puissant, imposant. Physiquement d’abord, le Havrais est grand et costaud et pratique la boxe depuis des années. Cette force se retrouve aussi à la fois au niveau de son coffre et dans ses textes. Elle était revendiquée par le rappeur dès ses premiers albums : 11 septembre, récit du 11e jour et Jihad, le plus grand combat est contre soi-même.
« Parler de ce qui ne va pas, c’est ça mon boulot », expliquait-il sur le titre « Médine » dans son deuxième album. L’artiste a développé cette idée à travers la série de morceaux « Enfant du destin », que l’on peut découvrir au fil de ses différents projets. Dans le dernier en date, Grand Médine, il y raconte l’histoire tragique de Sara, jeune ouïghoure, et à travers elle de son peuple. « Sara fut torturée, son corps électrocuté, et son peuple déporté par centaines de milliers ».
Médine aime aborder des sujets délicats, mettre en lumière des problématiques de société, quitte à choquer. «Partager mon discours avec les blocks. Les amener à mon message par les voies de la provoque », disait-il sur « Premier Sang », le morceau introductif de son deuxième album. Un message qui est toujours présent quinze ans plus tard sur l’outro de Grand Médine, « FAQ » : « Demandez moi si je peux arrêter de provoquer. Pour moi, une idée qui n’est pas dangereuse, ce n’est pas une idée ».
Pourtant, entre temps, cette liberté de ton et de provocation a causé des torts à Médine. En 2018, il se retrouve au cœur d’une polémique qui prend une ampleur nationale et est débattue jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale. De nombreux élus d’extrême-droite, de droite et des élus LRM pointent du doigt des paroles prononcées par le rappeur dans le titre « Don’t Laïk » et notamment la phrase « Crucifions les laïcards comme à Golgotha ». Ils reprennent aussi l’affiche de son premier album, et son titre choc commençant par le mot « Jihad », sorti totalement de son contexte et de son contenu. Ces élus poussent pour l’annulation de deux concerts prévus par Médine au Bataclan, la salle de ses rêves. La salle de spectacle ne craque pas, mais c’est finalement Médine lui-même qui va décider d’annuler ses deux représentations après avoir reçu des menaces de mort. Une polémique qui a marqué le rappeur, et qu’il aborde le temps de quelques phases dans Grand Médine, en particulier sur le morceau « Voltaire ».
« Un exemplaire de mon disque a fini sur le bureau du ministre. L’irrévérence et la satire, moi je croyais que c’était pour tous les artistes ».
L’artiste ne se laisse pas décourager par ces attaques, et continue dans ses projets de dénoncer le racisme, les violences policières ou le système politique. « Il n’y a que du racisme systémique, derrière leur « on ne peut plus rien dire » », « Je veux parler de police, de plaquage ventral. Que pour quatre Marc il n’y ait pas qu’un Mourad » pose-t-il, toujours dans le morceau « Voltaire ». Il balaie ensuite d’une punchline toutes les risques d’une nouvelle polémique :
« Je préfère regretter mes discours, plutôt que de regretter mes silences ».
La puissance lyricale de Médine se retrouve aussi dans des morceaux plus sentimentaux. Sa femme, ses enfants, ses amis, Médine déclare sans cesse son attachement profond à ses proches dans l’album. Les morceaux « A l’essentiel » et « Tue l’amour » sont de véritables hymnes à l’amour.
« Je vais te rendre heureuse et tu peux le parier. Je vais te mettre plus haut que toutes les dames ».
-A l’essentiel
« Notre amour est une arme, pour tuer le temps, tuer le temps. C’est trop petit le jardin d’Eden. Comme Adam et Eve, on s’aime à l’ancienne ».
-Tue l’amour
Dans « Barbapapa », Médine partage le micro avec sa fille Mekka et ses fils Massoud et Genghis. Il rend aussi hommage à ses amis, ceux qui forment avec lui le label Din Records. « Tous les membres de Din Records, je les aime d’un amour filial » rappe-t-il dans « FC Grand Médine ». C’est cet entourage et leur soutien qui ont aidé Médine à traverser les difficultés qu’il a connues ces dernières années.
Puissance fédératrice
Médine, c’est aussi une aura, une puissance fédératrice autour de lui. Depuis des années, il forme « La Ligue » avec ses deux compères Kery James et Youssoupha. Ils ont fait de nombreux morceaux ensemble, de « Contre Nous » à « PLMV ». Leur chef d’œuvre commun n’est pourtant pas une collaboration, mais plutôt une coopération : « Le jour où j’ai arrêté le rap » pour Médine et Youssoupha, ou « Le jour où j’arrêterai le rap » pour Kery James. Trois morceaux, trois story-tellings poignants sur une même prod.
Médine sait fédérer plus loin que ce trio. Il représente pour beaucoup de rappeurs et d’auditeurs une référence du rap français. Bien qu’originaire du Havre, c’est son morceau « Grand Paris » qui le fait une fois de plus résonner dans toute la France en 2017. Dans ce long morceau de plus de huit minutes, il réunit des rappeurs de toutes générations : Lartiste, Lino, Sofiane, Alivor, Seth Gueko, Ninho et Youssoupha. Le morceau s’articule autour d’un refrain percutant : « C’est nous le Grand Paris. La banlieue influence Paname, Paname influence le monde ».
Dans son nouvel album, Médine réitère la performance avec une nouvelle série d’artistes. Koba LaD, Larry, Pirate, Rémy et Oxmo Puccino sont réunis sur « Grand Paris 2 ». L’esthétique des deux clips se forge autour des maillots de football à l’effigie du « Grand Paris », comme si Médine était le capitaine de toute une équipe autour de lui, qui ne se limite pas seulement aux quelques artistes invités sur les titres.
Puissance médiatique
Médine n’a jamais été aussi présent. Sur les réseaux sociaux, il est hyperactif et cumule des centaines de milliers de followers. Il y dévoile notamment sa vie de famille, toujours de façon humoristique et sans jamais se mettre en scène. Surtout, Médine a mis un point d’orgue à soigner la promotion de son nouveau projet. Il a été interviewé par de nombreux sites spécialisés dans l’actualité rap : Booska‑P, Check (CheckFood), Interlude, Grünt, RAPRNB ou encore Melty. Il est venu sur le plateau de Waxx Gyver et C. Cole pour l’émission Fanzine. France 3 Normandie et France TV Slash l’ont même suivi pendant plusieurs mois pour réaliser le superbe documentaire « Médine Normandie ».
Cette hyper-présence promotionnelle n’est pas un hasard, et suit un objectif précis du rappeur. Il l’annonçait déjà dans son premier album il y a quinze ans. « Ce serait mentir de ne pas dire qu’on espère le disque d’or », expliquait-il sur « Premier Sang ».
« J’ai toujours eu un succès d’estime avec mes albums. Ce serait bien que j’arrive à transformer mon succès d’estime en succès un peu plus commercial. Atteindre le disque d’or, c’est un espère de Graal », confirme-t-il dans l’introduction du documentaire Médine Normandie.
Et ce n’est donc pas un hasard de retrouver des noms de marque dans la liste des featurings de l’album. Bigflo & Oli, les deux frères stars, font partie des plus gros vendeurs de disques de France. Soso Maness et Hatik ont explosé cette année, l’un avec la sortie de son deuxième album Mistral et sa présence dans le projet marseillais 13 Organisé, l’autre avec ses mixtapes Chaise Pliante et son rôle principal dans la série Validé. Enfin, le dernier invité – hors Grand Paris 2 — est YL, lui aussi marseillais. Son style, sa voix et ses paroles font qu’il collait parfaitement à cette tracklist et à ce projet. C’est la première fois dans la carrière de Médine qu’il collabore avec autant d’artistes sur un même album.
Enfin, la sortie de ce dernier opus est aussi accompagnée d’une multitude de vidéos, dont certaines réalisés en images animées. Chaque titre est clippé, ce qui ajoute une dimension esthétique globale et rend le projet encore plus profond.
Avec 5 852 équivalents ventes en première semaine pour Grand Médine, l’objectif du disque d’or (50 000 équivalents vente) ne semble pas hors d’atteinte, d’autant que l’album semble assez intemporel. La puissance de Médine pourrait lui faire enfin atteindre son « Graal », probablement en 2021.