Le 22 novembre dernier, Action Bronson a fait un retour discret sur la scène musicale avec un EP intitulé Lamb over Rice. En collaboration avec le producteur The Alchemist, Bronsolino présente un projet qui lui ressemble, plein d’idées mais légèrement chaotique.
Action Bronson aime toucher à tout. Rappeur évidemment, le cuisinier de formation s’est aussi illustré en tant que présentateur pour Viceland dans Fuck That’s Delicious, émission consacrée à la nourriture, sa grande passion. Le New-Yorkais s’est également essayé au métier d’écrivain en publiant deux livres, à mi-chemin entre le roman et le livre de recettes, l’un adapté de Fuck That’s Delicious et l’autre portant sur son autre sujet préféré : la weed. Ces derniers temps, Bam Bam s’est fait peintre, réalisant la pochette de ses deux derniers projets (dont Lamb over Rice) et même acteur, apparaissant rapidement dans le dernier film de Martin Scorcese, The Irishman.
Une chose est donc sûre, Action Bronson est un électron libre qui fait ce qui lui plaît. Quitte à se montrer un peu paresseux au niveau musical. Assez absent depuis la sortie en novembre 2018 de White Bronco, son dernier album, le rappeur a finalement publié ce nouveau projet, Lamb over Rice, réalisé entièrement en collaboration avec The Alchemist, qui produit également le projet sur son propre label, ALC Records.
Tout comme Cardiak ou J Cole, que FOX a mentionné dans un précédent Under The Radar, The Alchemist fait partie des plus grands producteurs américains, à la différence près qu’il officie depuis plus longtemps dans le game. Actif depuis les années 90, il a collaboré avec une foule d’artistes, parmi lesquels figurent Mobb Deep, Nas, Prodigy, Kendrick Lamar, Lil Wayne ou encore Eminem, dont il est le DJ officiel depuis 2005.
Le californien, qui signe ici son deuxième projet en collaboration avec Action Bronson après Rare Chandeliers en 2012, est célèbre pour son amour des lignes mélodiques travaillées, son talent de digger de samples rares et son attirance pour les rythmiques old school. Des éléments que l’on retrouve dans Lamb over Rice (et où on le retrouve au passage sur Arnold & Danny, le dernier morceau du projet, en tant que rappeur).
Un Action Bronson toujours plus inaccessible
Si il a annoncé sur Twitter que l’EP « changerait notre vie », avec cette arrogance qu’il s’amuse souvent à mettre en avant, Action Bronson n’a pourtant pas fait grand chose pour le promouvoir, comme si le rappeur cherchait à garder sa musique difficile d’accès. L’absence de supports physiques et les faibles écoutes qu’a engendré le projet en deux mois sur les plateformes musicales — moins d’un million d’écoutes sur Spotify pour « Dmtri », le titre le plus écouté — peuvent en témoigner.
Le projet, comme son prédécesseur, est court: 20 minutes réparties entre 7 titres, parmi lesquels on retrouve deux anciens morceaux : « Descendant to the Stars », thème musical en 2016 d’une émission présentée par le rappeur, et « Just the Way It Is », sorti en 2013 sous le nom de Diagnosis.
Dès la première écoute, on retrouve l’atmosphère western et la culture hip-hop new-yorkaise que Bam Bam affectionne tant, à base de piano de saloon, d’harmonica, de cuivres et cordes qui se mélangent sur fond de batterie.
Le morceau le plus réussi et le plus représentatif de l’univers bronsonesque associé à celui de The Alchemist est le titre le plus long, celui qui ouvre le bal, « DMTri ». Soutenu par des accords plaqués de synthé, une rythmique discrète et surtout un sample de clavier tout droit venu du Brésil — du musicien Roberto Carlos — et qui tourne en boucle, Action Bronson rappe avec violence sur ses sujets favoris : sa propre personne, la nourriture, le sport et la weed.
I lost fifty on the Mets, I’m a mess / J’ai perdu 50 sur les Mets (baseball de NY), je suis en vrac
After practice hit the steps bitch / Après l’entraînement, marque les bases (en baseball), salope
That’s what I gotta do to be the best shit / C’est ce que je fais pour être le meilleur
Man these motherfuckers sleepin » / Mec ces fils de putes dorment
While Bronson bangin » pots and pans / Pendant que Bronson est aux fourneaux
Me, disappear, where? I’m right here / Moi, disparaître, où ? Je suis juste ici
Creepin » in the cold nights air / Traînant dans la nuit froide
To get on my level take fifty light-years / Arriver à mon niveau prend 55 années-lumièresDMTri
L’alchimie fonctionne pourtant moins bien sur d’autres morceaux. Certes, « Just the Way it is » et surtout « Descendant of the Stars » sont de très bons titres, mais ne sont absolument pas nouveaux. D’autres commencent très bien, comme « Tear Away Shorts » ou « Accoutrements », mais terminent bien trop tôt, comme si Action Bronson les sabordait volontairement pour montrer une fois de plus qu’il s’en fout de ce que pensent les gens de lui. La moins bonne piste reste, selon nous, la seconde, « Sven ». Le rappeur s’y perd, s’excitant dans son flow sans parvenir à réellement émerger de l’instrumentale trop chargée.
Le projet de Bronsolino et de son partenaire musical est donc à l’image du gaillard de New York : riche et technique, à l’apparence solide mais dans le fond un peu trop instable. Et beaucoup d’indices — absence de communication, décisions souvent inattendues, projet ou morceaux trop courts qui font penser à de la paresse — donnent à croire qu’Action Bronson se plaît dans cette instabilité dure à comprendre pour les non-initiés. Comme dans une volonté d’affirmer que pour le comprendre et l’apprécier, il faut l’accepter comme il est, même si on a parfois la triste impression que son grand talent n’est pas exploité dans sa totalité. Jusqu’à une prochaine surprise d’Action Bronson, peut-être.
En attendant, je vous laisse avec ces paroles 100% Bronson et le son « DMTri ».
Baby, there’s no mistakin » / Bébé, il n’y a aucune méprise
My life is extra credit, sophisticated palate / Ma vie est incroyable, palais sophistiqué
Sweet, sour, salty, spicy, and umami / Sucré, aigre, salé, épicé et umami
We eatin » oysters off of diamonds in Hawaii / Nous mangeons des huîtres sorties de diamants à Hawaii« Accoutrements »