L’année commence à peine et Denzel Curry surprend déjà avec BLOOD IN + BLOOD OUT. Une courte mixtape surprise, sortie le 6 janvier dernier, dans laquelle le rappeur laisse place à ZXLTRXN (Zeltron), un de ses nombreux alter egos. Le projet est disponible exclusivement sur YouTube.
« Juste quand vous pensiez que je ne reviendrais pas avant deux autres années… Je suis de retour pour vous apporter un cadeau venant de la puissance supérieure de la nation ULT ». Dans une référence à « Ultimate », le titre qui l’a fait connaître en 2015, Denzel Curry prévient dans la description YouTube de son projet : il est de retour, sombre et agité comme jamais.
Annoncée en novembre 2018, entre les sorties de ses albums TA13OO (Taboo en langage denzélien) et ZUU, 13LOOD 1N + 13LOOD OUT (Blood In + Blood Out) est finalement tombé aux oubliettes pendant plus d’un an, avant de resurgir par surprise en ce début de décennie.
Si le projet est très court, moins de 13 minutes de musique réparties sur 8 titres, il reflète bien l’univers sombre et agité que Denzel Curry avait déjà mis en avant par le passé, notamment sur TA13OO. Cette complexité s’aperçoit dès la tracklist, que l’on retrouve dans la description sur YouTube. Si le projet est signé au nom du rappeur, chaque morceau est crédité à celui de ZXLTRXN (Zeltron), l’entité qui, selon le Floridien, est « la formulation de toutes [ses] personnalités, qui sont Aquarius » Killa, Raven Miyagi et Denny Cascade, toutes ensemble à l’intérieur de Denzel Curry ». Il explique d’ailleurs dans la description que « l’entité connue sous le nom de ZXLTRXN est ici pour vous donner une invitation dans l’esprit actif d’un homme aux multiples personnalités ».
L’équipe dont s’est entourée Denzel Curry n’est pas surprenante et reflète bien cet aspect hardcore et obscur. Outre le désormais habituel FnZ, producteur avec qui Denzel Curry collabore très régulièrement (« RICKY »), on retrouve le rappeur AKTHESAVIOR, moitié de The Underarchievers, et le producteur Powers Pleasant, tous deux membres du collectif new-yorkais Pro Era, dont Denzel Curry est proche. Zillakami, rappeur hardcore et controversé de New York que l’on voit souvent avec Denzel Curry, apparaît lui aussi, tout comme le bien connu Ghostemane et le moins célèbre Xavier Wulf, ancien membre du Raider Klan, le crew que Denzel Curry a quitté en 2013 à cause de l’instabilité de son leader, SpaceGhostPurrp. La seule présence surprenante sur le projet est d’ailleurs celle de ce dernier, à travers un sample sur le titre « CHARLIE SHEEN », bien que les deux rappeurs ne soient plus en confrontation depuis plusieurs années maintenant.
L’esthétique et l’ambiance du projet sont vraiment représentatives du courant punk/métal qui s’est développé ces dernières années dans la trap, à travers des artistes comme SuicideBoys, Pouya ou encore les présents Ghostemane et Zillakami. L’ensemble est rempli de distorsion et de saturation, que ce soit dans les basses ou dans les voix, offrant une énergie tourmentée et légèrement horrifique. Un aspect sombre que l’on retrouve aussi dans les lyrics, avec de multiples références à la drogue, à la mort et, particularité de Denzel Curry, aux multiples personnalités qui existent chez lui.
« Je vois une autre partie de moi qui est dure comme moi, uh
Je vois l’autre côté qui m’appelle, appelle le Dieu en moi
Divise les personnalités, divise ma réalité
La vie est une salope que je baise, bestialité »« As I see another part of me that’s hard as me, uh
See the other side is callin » me the God in me
Split personalities, split my reality
Life is a bitch that I fuck, beastiality »FALSE GODS FREESTYLE, Denzel Curry
Les références culturelles sont également très nombreuses et variées, d’Elmer Fudd à Pokemon en passant par Dragonball Z sur le morceau « GOGETA ». Le titre du projet en lui-même est une référence au film du même nom de 1993 (Les Princes de la ville en français). On retrouve d’ailleurs dans l’intro du projet un sample du film, venant d’une scène où le leader d’un gang de prison initie un nouveau membre et lui apprend que pour intégrer le gang, il faut tuer quelqu’un, le « Blood In », et qu’on ne peut le quitter qu’en mourant à son tour, le « Blood Out ».
Si Denzel Curry porte une esthétique si chaotique, si torturée, c’est qu’il a grandi à Carol City, près de Miami, dans un environnement empreint de violence et de discrimination. Plusieurs de ses proches et connaissances ont trouvé la mort autour de lui. En 2012, c’est Treyvon Martin, jeune homme noir de 17 ans qui fréquente le même lycée que Denzel Curry, qui trouve la mort, tué par la police. En 2014, Treon Johnson, le propre frère du rappeur, est tasé à mort, une nouvelle fois par la police. On retrouve d’ailleurs ces noms, accompagné également de celui de XXXTentacion, au milieu d’autres dans la description YouTube du projet, en guise d’hommage.