Bienvenue dans le premier volet de la série « Under the Radar ». Aujourd’hui, on va se plonger dans le premier album de YBN Cordae, un rappeur américain très jeune et considéré comme un des plus talentueux de sa génération avec Juice WRLD, lyricalement parlant.
Cet artiste est connu en France notamment grâce au featuring avec Orelsan : Tout ce que je sais. Aux USA, il a massivement buzzé en reprenant le son 1985 de J. Cole. Le morceau de Cordae, intitulé Old Nigg*s reprend J. Cole sur ses propos au sujet de la nouvelle génération de rappeurs, qu’il critique dans ce son en particulier, en prenant du recul par rapport aux anciennes générations et aux artistes perçants à l’heure actuelle. Pour beaucoup, c’est là que Cordae a montré l’étendue de son potentiel. Il répond de manière mature au tonton du rap US, et J. Cole a validé son propos. Autant te dire que si J. Cole, (qui a aussi produit cet album) valide, tu devrais aussi.
Au niveau de la forme de « The Lost Boy », on note un format classique d’un album rap US en 2019. 45 min, 15 morceaux, une grosse équipe autour de l’artiste (Atlantic Records) et donc au moins six personnes créditées sur chaque son, des feats porteurs (Anderson Paak, Chance, Meek Mill) et une pochette plus ou moins générique colorée.
Peu d’originalité donc, mais ne jugeons pas le livre par sa couverture et lisons entre les lignes. À la première écoute, l’album dégage une ambiance mélancolique et innocente, simple et épurée qui transpire la qualité. L’album est très travaillé et ça se ressent dans l’écriture, les flows aiguisés et le choix des prods. Parlons des instrumentales de cet album : les trois sons présentés plus bas mis à part, on sent un mariage constant entre la variété des instruments utilisés et les drums puissantes, la mélodie et la rythmique. L’album a une vraie couleur musicale, un album d’automne, sorti au mois de juillet, qui a d’ailleurs reçu d’excellents succès d’estime auprès de la presse spécialisée.
Souvent oublié par les amateurs de rap US en France, il a eu un certain succès commercial.
L’album a peak à la 13ème place du Billboard 200, une très bonne entrée en matière. Dans la veine des NBA Youngboys, Blueface qui cartonnent, il s’inscrit directement dans la lignée des rookies à suivre lors des prochaines années. Si 25.554 albums vendus en première semaine peuvent paraître faible, l’album a bien marché avec le temps, totalisant plus de 60.000 streams, pour un album qui a quatre mois seulement.
PARLONS DE SA MUSIQUE
L’album est produit majoritairement par Cardiak avec la direction de J. Cole. Oui. Pour les moins initiés, ces deux-là sont des top 5 producteurs/artistes non pas du moment, non pas de l’année, mais de la dernière décennie et probablement All-Time quand leurs carrières seront finies. Très bien entouré, l’actualité de sa musique fait écho à ses lyrics qui sont de grande qualité, parfois inégale pour garder une rythmique, un flow sur lequel il place des phases souvent recherchées, mais des fois un peu faciles. Il est capable de chanter et de backer des ambiances et c’est très agréable car il crée ainsi plus de mélodies et adapte son flow sur les couplets en fonction de ceux des refrains, à chaque fois différents. La musique est variée mais suit un fil conducteur, comme le chemin d’un enfant perdu, comme la pochette de « The Lost Boy ».
Cet album se lit bien et mieux d’une seule écoute mais certaines chansons ont retenu notre attention :
« Wintertime »
Commençons par le commencement. Wintertime est une ballade et un avant-goût assez prononcé de l’album. Étant moi-même (aspirant) rappeur en anglais, j’accorde une importance particulière aux lyrics, qui pour moi différencient littéralement les bons, les grands et les meilleurs. Ici, il y a une dualité constante. Si les rimes sont bien écrites, la qualité diffère : des bars incroyablement bien écrit puis du filler générique de rap US de ces dernières années.
« Whoever said shit was easy forever lied
I mesmerize, how simple decisions can jeopardize
When Martin Luther cheated and stared in Coretta’s eyes
This is lyrical exercise, told my idols to step aside »
Un bon 8/10 pour l’imagerie, le vocabulaire et la référence.
« Ugh, we all got skeletons in our closet from a shady pass
Made me brag about my Mercedes, Jag
Going fast, made me crash
My Ex keep fucking up my car with her crazy ass »
Pas vraiment de fond même si ça sonne bien. 3/10
Pour nous cela représente bien Cordae : un talent indéniable et jeune, qui alterne entre brillance et facilité, propre à son âge et l’environnement du Rap US. La vibe de ce morceau donne le ton de l’album, et l’utilisation du piano donne une couleur froide, d’où le titre du morceau. La différence entre cette chanson et la seconde de l’opus montre la polyvalence du rappeur du Maryland. Cela fait apprécier d’autant plus ces deux tracks juste avant le skit. Beaucoup d’émotion et de détermination.
Voici l’entrée. Passons au plat de résistance.
RNP / Bad Idea
Les 2 feats porteurs de l’album. Plain and Simple. J’ai choisis de les mettre en opposition/complémentarité car ces deux sons sont révélateurs du talent et de la qualité de Kid Cordae.
Une instru minimale pour Bad Idea et une autre plus présente et collante aux lyrics sur RNP. Parlons du feat avec Chance, qui pour moi est un testament du niveau de ces deux artistes. Le minimalisme sublime les lyrics et les voix des deux MCs, la science du placement de Cordae et le storytelling de Chance… ce qui donne un son mélancolique et jazzy parfait pour se poser et se réveiller doucement.
RNP est un autre animal. On sent beaucoup d’influences chez les deux artistes dans ce son, et c’est ici qu’on voit que la nouvelle génération est très à l’aise sur des beats à l’ancienne (modernisés certes) et qu’ils savent faire avec brio du passe-passe, pratique très peu utilisée de nos jours mais hyper respectée de l’autre côté de l’Atlantique. La chanson procure une certaine énergie et est quelque chose d’assez unique musicalement parlant. Une véritable pépite.
Ces deux sons sont tous simplement des exemples criants de la polyvalence de l’artiste, musicalement et lyricalement, ainsi que de son adaptabilité. Encore un gars talentueux de Caroline du Nord, scène omniprésente désormais.
L’ALBUM
Éloignons-nous un peu des chansons et regardons l’album avec du recul. Il devient clair que le projet est très différent de bout en bout, versatile et couvre un bon nombre de styles de rap en son sein. Les six featurings de marque sont tous très bons sur leurs morceaux respectifs, et chacun possède un peu des deux artistes. Cordae est capable de s’adapter et de créer quelque chose d’unique avec ses invités.
Thanksgiving et Been around sont des bons morceaux dans l’œuvre complète, mélancoliques et émotionnels. Ils subliment l’ambiance.
Thousands words est un morceau incroyable. Des sonorités exceptionnelles dues à un mix/mastering qui est difficile à atteindre. Il est pour moi un des meilleurs morceaux de rap conscient US de l’année. Une expérience.
On notera le son trap Broke as Fuck et l’outro Lost & found qui sont des prises de risques.
Important également de souligner le gros travail de Cardiak sur les prods, qui empruntent à la culture américaine de manière large, avec de la G‑funk, de la trap, du Jazz de Louisiane, la dirty de Memphis, de la house de Chicago… Et quel que soit le style/l’origine de la prod, Cordae fait un sans-faute dessus. Avec son flow simple, calme et extrêmement bien articulé, il donne un cachet supplémentaire à des compositions déjà complètes.
Cependant, cela montre que le flow de Cordae, même si il est maitrisé à 100%, est assez générique. Dans l’avenir, il va devoir montrer plus de choses vocalement parlant pour franchir des étapes. Rapistiquement parlant, cet album est la preuve indiscutable de son talent. Il est parfaitement capable de créer des bonnes mélodies et répond toujours présent quelque soit le featuring. Il est créatif et a tout pour devenir grand.
Maintenant, il faut qu’il confirme en essayant et en perfectionnant différentes facettes de son art.
Je ne vais pas vous laisser sur cette conclusion. On va se quitter avec une recommandation personnelle de l’album. À vous de vous faire votre propre avis sur ma chanson et phrase préférées de l’album.
YBN Cordae – Thousand words
« Uh, a picture’s worth a thousand words‚ a video worth a million
But no amount of likes can heal up all this pain that I’m feeling
Maybe conceal it, and hide in all these problems we deal with
I grew up on the principle, to raise a child, need a village »
En espérant vous avoir donné envie d’écouter cet album. Merci d’avoir lu jusqu’ici, paix et amour sur vous.
F0X