Une semaine après la sortie du nouvel album de Maes joliment nommé Les derniers salopards, il est peu probable que toi, lecteur ou lectrice, sois passé(e) à côté.
Il faut dire que le rappeur n’a pas lésiné sur la promo ; sa tête est « Partout » — notamment sur Planète Rap, où il a posé ce freestyle — dans les médias. Il aurait d’ailleurs eu tort de se priver de ses interviews pour Booska‑P, Clique ou encore Les Inrocks car il réalise avec ce nouvel opus le meilleur démarrage de sa carrière : 19 100 exemplaires écoulés au bout de trois jours. Pas d’overdose à l’horizon, et un projet qui ravit bon nombre des amateurs de rap : quelle est sa recette ?
Maes vient fidéliser sa clientèle — et la grossir au passage — en servant aux auditeurs ce qu’ils attendaient. En appliquant le principe de l’offre et la demande, il vend un produit qu’il compare à « un stylo quatre couleurs » (Interview pour OKLMofficial). Loin de n’avoir qu’une seule teinte, l’album reflète en effet les multiples facettes du Sevranais, incarnation d’un mélange de différents imaginaires gangsters.
« On fait pas la guerre avec un 6.35, on est 36 contre 5 » ‑Elvira
Les derniers salopards, c’est le nom des grands de sa cité, de son label et de son clan qui ne l’ont jamais quitté. Déjà dans l’outro de l’EP Réelle Vie qu’il a écrit en prison ou dans l’intro de son premier album Pure, Maes leur rendait hommage. Ils sont cette fois tous présents sur la cover de l’album : costards, cheveux gominés et verre de whisky Chivas à la main. Un véritable gang familial à la Shelby mené par un Maes qui a la rage et n’hésite pas à le kicker dans « Elvira » ou « Marco Polo ».
« J’ai grandi dans l’département le plus dangereux
J’sais qu’on entendra jamais « Maes est mort vieux »
Passer la trentaine devient un exploit
Finis rafalé, tu passes dans l’express » ‑Dragovic
Le rappeur se fait également plaisir en transposant l’imaginaire des trafiquants latinos à sa propre histoire. Au-delà de la moustache, l’ambiance musicale plus dansante et festive de morceaux comme « Street » ou « Dybala » (en feat avec Jul) ravive le fantasme du cartel de Medellín. Davantage en phase avec l’ancienne réalité criminelle du rappeur, les sons « Chromé » ou « Police » nous empêchent tout de même de le surnommer Maes Escobar.
Un scénario à la Tarantino semble alors moins abusif. On se représente aisément le Sevranais en chasseur de prime ayant réussi à débusquer les pointures du rap français que sont Booba, Jul et Ninho. Analogie qui fonctionne jusqu’à un certain point, puisque Maes ne fait pas ces collaborations pour en tirer du bénéfice : « Moi je ne suis pas trop dans l’optique de faire un feat pour tirer la force d’untel ou untel, mais de réussir des performances avec des gens que j’écoute depuis petit. » (Extrait de son interview pour 20minutes).
« J’ai visé la lune, fini parmi les étoiles » ‑Etoile
Ce qui transpire de cet album, c’est l’aboutissement du projet. Maes semble avoir mis le doigt sur son identité propre : celle d’un rappeur qui ne cesse de surprendre son auditeur tout au long des 14 tracks. Oscillant entre un rap énervé qu’il maîtrise depuis ses débuts et des sons mélodieux, il ne se fixe aucune barrière. Ni aucun filtre. Si les insultes ont leur place dans les morceaux, c’est aussi le cas des émotions ; notamment une mélancolie qui ne quitte pas une seconde les propos de fond de l’artiste.
Maes saura cependant, j’en suis sûre, nous ambiancer lors de la tournée LDS qu’il débutera le 22 février à Saint-Etienne, et notamment à l’Olympia de Paris le 10 avril prochain. Et malgré les apparences, il ne quittera pas cette cité qui lui est chère et qui l’accompagne sur chacun de ses couplets.